Vivre Libre, en vivant nos émotions

Nous sommes des mecs sensibles, seulement  nous ne le savons pas, car c’est une des libertés essentielles dont nous nous privons avec le patriarcat : la libre expression interne et externe de nos émotions. C’est vicieux, car nous ne pouvons pas nous rendre compte que cela nous manque tant que nous n’y avons pas gouté.

Puisque nous sommes censés nous contrôler, il est normal de les restreindre. Cela rejoint l’idée que nous devons être forts à l’inverse des fragiles ou toutes autres typologies de « sous-homme ». Nous nous transformons en cocotte-minute, sous la pression constante d’une vie intérieure qui existe malgré notre volonté. Quand je dis avoir vécu des années sans émotion, ce n’est pas exact. J’ai vécu des années sans communiquer avec elles, en les verbalisant peu, en essayant de les tenir autant à l’écart que possible. En regardant autour de moi, je ne pense pas que mon état ait été tellement plus pathologique que la moyenne.

C’est la lente compréhension que cette façon d’être m’était délétère, combinée à la pression du boulot et de la vie qui m’a contraint à ne plus les ignorer. Il est étrange de reconnaître que nous vivons sans vivre nos émotions. Nous en avons entendu parler depuis toujours, nous manipulons ces concepts régulièrement. Mais en tant que garçons, on ne nous demande pas de les exprimer. Nous ne sommes pas habitués à les nommer et les analyser. À l’inverse des filles, qui dès l’école primaire, sont poussées dans ce sens1. Je suis certain que toi aussi, dans une certaine mesure tu les restreins. Es-tu à l’aise de pleurer devant des amis ? Es-tu as l’aise de partager tes peines et tes peurs avec tes proches ? Ou juste l’émotion d’un paysage qui t’emplit d’amour pour l’univers entier ?

Quand j’avais 19 ans, la mère d’un très bon ami est morte. Je suis allé à l’enterrement puis j’ai littéralement fui !! Service minimum, incapacité à vivre ce moment, incapacité à le soutenir, j’ai été une merde. Je n’aurais pas pu faire grand-chose, lui offrir un câlin, l’écouter, juste être là, mais j’en étais incapable. J’ai préféré retourner m’amuser. Cherche un peu et toi aussi tu trouveras surement un moment où face à des émotions compliquées tu as préféré fuir alors que tu savais qu’au fond, tu as les ressources pour aider. C’est triste, non ? Je ne dis pas qu’il faut être ouvert aux quatre vents et ne pas se protéger. Juste qu’il ne faut pas être terrifié par nos émotions et celles des autres.

Un monde sans émotion est ennuyeux. De prime abord rester dans le un monde cotonneux est rassurant et semble confortable. C’est la plus grande erreur que tu peux faire ! En nous privant de ressentir nos émotions, nous nous rendons incapables de comprendre correctement les autres. Tout le travail de l’art est de montrer et de faire ressentir des émotions. Si finalement, nous les mecs, avons cette tendance à négliger la beauté du monde, c’est aussi parce que nous ne la laissons pas nous pénétrer. Nous nous privons de la beauté des moments partagés. En acceptant tes émotions, celles de tes amis, en arrivant à les partager, tu te rendras compte comme cela graisse les relations sociales et les rend plus profondes.

Alors juste, parle de ce que tu ressens avec tes proches. Les seules choses indicibles sont celles dont on ne parle pas, tu verras que votre vie sera plus confortable et riche.