Il est temps pour nous les mecs de participer activement à la lutte contre le patriarcat. Cet essai a pour objectif de nous y amener, pas seulement parce que cela serait moralement juste, mais parce que toute victoire sur l’idéologie patriarcale sera un bienfait pour tous et toutes. Oui, nous aussi les mecs, nous avons beaucoup à y gagner. C’est à toi que j’écris, toi qui es comme moi un mec cisgenre* hétéro. C’est une invitation à une prise de conscience. Tout comme une majorité de mecs, même si la plupart ne s’en rend pas compte, j’ai souffert et souffre toujours du patriarcat. Probablement que toi aussi tu en souffres. Maintenant, j’ai une compréhension de comment sortir de certains de ces schémas ; en la partageant avec toi, tu pourras toi aussi faire ce chemin et nous faire avancer vers une meilleure société.
Probablement qu’il nous manque un mot pour désigner l’action politique qu’essaye de mener ce livre. Celle de combattre les privilèges de sa propre classe. Un mot désignant de façon positive un·e transfuges de classe. En refusant les privilèges que nous donne le patriarcat nous le viderons de son attrait. Tout ce que nous pourrions perdre, ce ne sont que des privilèges et avantages indus aux coûts humains exorbitants. Nous sommes si habitués à vivre avec ces privilèges, que vivre sans eux pourrait ressembler à vivre opprimés. Par essence, pour que certains profitent de privilèges, ils doivent déposséder les autres. Nous, pour en profiter, nous profitons des femmes. Pour en profiter, nous devons combattre l’équité, corrompre des relations, imposer notre domination et faire une croix sur des libertés fondamentales comme la connexion avec nos émotions.
Je le redis, je suis sincèrement convaincu que nous avons tout à gagner avec le féminisme. En cela, j’aimerais pouvoir dire que ce livre et moi-même sommes féministes. C’est un sujet de débat, est-ce que l’adjectif « féministe » est ou pas réservé aux femmes ? Il y a clairement de bons arguments des deux côtés. Moi, je pense que c’est un adjectif qui devrait être réservé aux femmes, car c’est leur combat. Tout comme en tant que blanc je ne peux pas dire que je suis un militant racisé, je ne peux pas me dire féministe. Je pense pouvoir me dire pro-féministe, anti-patriarcat et vraiment quand le seul problème qui nous restera ce sera celui-ci, nous serons heureux·ses !
L’objectif ne va pas être de créer de nouveaux concepts théoriques ou faire de l’histoire, je laisse ce travail à des gens plus qualifié·es que moi. Juste deux exemples parmi tant d’autres : « Des hommes juste » d’Ivan Jabonka1 propose des concepts intéressants comme la « justice de genre » et la pratique de « la désobéissance de genre ». Si c’est l’histoire du patriarcat qui t’intéresse, je te conseille « Le mythe de la Virilité » d’Olivia Gazalé.
Ici c’est par le réel et mon prisme de garçon que je vais te faire sentir sur quoi s’appuie notre domination et ce qu’elle nous coûte. Ce dont nous discuterons dans la suite, ce n’est pas de toi, ce sont de nos comportements et nos modes de pensée. Ils conditionnent en partie notre personnalité, mais ils ne nous définissent pas en tant que personne. Nous ne sommes pas intrinsèquement des merdes parce que nous sommes nés mecs cis hétéro, mais si nos comportements le sont, nous le devenons. Parce que ces comportements sont systémiques et partagés par beaucoup, ils jettent l’opprobre sur tout notre groupe social. Il n’y a pas de badge ou de passeport de « mec bien », nous sommes tous dans le même bateau. La bonne nouvelle, c’est que nous pouvons changer nos modes de pensée et nos comportements pour devenir ensemble de meilleures personnes et un groupe social plus intègre. Nous pouvons sortir du piège que nous nous sommes tissé au cours de l’histoire. Par contre, cela va nous demander du boulot, de casser nos habitudes, de faire le ménage devant notre porte.
Pour cela, il nous faut commencer par prendre conscience du conditionnement lié au patriarcat sur nos pensées et nos actions. Comme beaucoup d’entre nous dès l’enfance, j’ai commencé à en intégrer les normes. Dans la suite, pour clarifier mon propos, je m’adresse à un « tu » qui est un homme cis genre hétérosexuel. Si tu es d’un autre genre, ne te sens pas exclu·e ! J’ai pensé ce livre pour un public particulier, si tu n’en fais pas partie, sache que je suis honoré que toi aussi tu prennes le temps de me lire, quelle que soit la manière dont tu te définis en ce moment. Pour ne pas te décevoir, je veux te prévenir tout de suite, j’ai des angles morts notamment sur les questions liées au colonialisme, au validisme, à la transidentité (que j’aborde néanmoins rapidement) aux questions qui touchent les personnes intersexes… Je n’en parle pas, je préfère me taire que de dire des idioties.
* Cisgenre ou Cis : est un type d’identité de genre où le genre ressenti d’une personne correspond à son sexe biologique, assigné à sa naissance. Personnellement, je suis né de sexe masculin et je me sens de ce genre.